🌍 L’Europe peut-elle se permettre de se décarboner ?
À la veille de la publication du Clean Industrial Deal européen et face à des États Unis et une Chine prêts à conquérir le plus grand marché du monde (l’Europe), c’est une question que se posent les industriels que nous rencontrons chez CVE : ne vaut-il pas mieux attendre ? Ne risquons-nous pas de fermer nos usines en prenant ce « risque » de décarboner ?
L’argument « nous n’avons plus le temps », l’invocation des rapports du GIEC ou de Pisani-Ferry (nous devons faire en 10 ans ce que nous avons peiné à faire en 30 ans) trouvent un écho mesuré... Celui de la compétitivité pourrait faire mouche.
A condition qu’il soit accompagné de politiques climatiques stables et de mécanismes de soutien conséquents.
🇪🇺 L’Europe perd en compétitivité, comme l’ont mis en lumière récemment les rapports Letta et Draghi. Face à des risques géopolitiques croissants, l’Europe doit protéger des secteurs stratégiques comme la production d’engrais, d’aluminium, d’acier, l’aéronautique, la défense…et toute les chaînes de valeur associées, soit un tissu industriel diffus qui clairseme nos territoires. Or, ces industries sont très vulnérables à leur approvisionnement énergétique, aujourd’hui encore majoritairement carboné et importé.
⚡ Décarboner pour regagner en souveraineté : aujourd’hui, c’est le gaz naturel qui domine le mix énergétique industriel, d’autant plus chez les industriels diffus (qui consomment la même quantité de gaz que les 50 sites les plus émetteurs en France1). Ce gaz est principalement utilisé pour la production de chaleur industrielle. La guerre en Ukraine a incité l’Europe à diversifier ses sources d’approvisionnement… mais en important plus de GNL américain.
L’Europe n’a ni gaz, ni pétrole, réduire et décarboner nos consommations énergétiques devient une obligation :
✅ Renforcer les mesures d’efficacité énergétique pour baisser les consommations avec un potentiel encore important (jusqu’à 100 TWh de chaleur fatale disponible dans les fumées industrielles restent à exploiter) *
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✅ Électrifier ce qui peut l’être tout en soutenant le développement des énergies propres (plug , baby plug et non l’inverse … pensées pour le sort des petites installations solaires dans la PPE)
✅ Et pour ce qui est difficilement électrifiable (comme la chaleur haute température) produire et consommer des carburants décarbonés (biogaz, hydrogène, e-fuels…).
💰 Cette dernière partie est la plus complexe, et demande des investissements Or, dans un contexte économique morose et d’instabilité réglementaire, les industriels hésitent. Si les ETI industrielles sont tout autant concernées que les grandes industries, elles ont, en général, moins de moyens financiers et de capacité de lobbying que les plus grandes entreprises.
🎒Elles pourraient être tentées de se délocaliser vers des contrées moins prolixes en matière de politiques publiques environnementales, ce à quoi le MACF (Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières) tente de répondre, mais un autre frein à la décarbonation existe :📉 Une chute des prix des énergies fossiles – orchestrée par les États-Unis – pourrait, par exemple, rendre la transition inimaginable pour nos industriels. 💡 L’Europe doit réagir en incitant et en accompagnant les industriels, et en particulier les diffus, à se décarboner « quoi qu’il en coute » . En ajustant, par exemple, le prix du carbone à son cout social (200 eur/tonne, plus du double de son prix actuel), en redistribuant les bénéfices de l’European Trading Scheme au service de la R&D et l’innovation (l’Europe se situe largement derrière les USA et la Chine si l’on compare la part du PIB investi dans l’innovation et la R&D) ou en favorisant l’investissement privé vers des technologies propres (maintien des réglementations européennes permettant aux acteurs financiers de « s’y retrouver » : CSRD, SFRD ). Cette démarche est engagée mais doit être maintenue et non détricotée au nom de la compétitivité.
🏭 Une industrie plus résiliente grâce au climat ? Car, nos politiques climatiques, contraignantes mais stratégiques, sont une opportunité pour rendre l’industrie plus indépendante et plus robuste face aux chocs géopolitiques. Espérons que le Clean Industrial Deal soutiendra, à la hauteur des défis, cette transformation sans oublier les ETI, qui représentent 40 % des émissions industrielles en France, 35% de l’emploi industriel et une opportunité forte de création de valeur sur les territoires.
🌡️ Un choix sans regret quand on sait que, d’ici 2100, le changement climatique pourrait réduire le PIB mondial de 37 %.
Alors : et si le climat pouvait sauver l’économie européenne ? 🌱💶(spéciale dédicace)
Directeur Développement Solaire France
1 moisMerci Marion pour cet éclairage. L’Europe représente une opportunité incroyable de proposer un modèle économique compétitif, vertueux et durable face au vieux monde capitaliste viriliste et carboné que d’autres proposent. Alors saisissons cette chance et montrons la voie ! 👍
Responsable de projets innovation - CVE
1 moisSujet passionnant : réindustrialisation et décarbonation ne sont pas incompatibles ! Bien au contraire : ils doivent aller de pair pour atteindre nos objectifs climatiques, sur des trajectoires enthousiasmantes pour notre compétitivité !
Director International Business Development
1 moisMerci Marion, très intéressant !
Directeur Adjoint pour l’Europe chez Eiffage Energie Systèmes
1 moisExcellente question, chère Marion La Planète ne va pas bien, et D. Trump qui se remet à forer sans vergogne ne va pas l’aider à aller mieux. Se remettre à polluer nous aussi en nous bouchant le nez pendant 4 ans : Niet. Ce serait choisir le renoncement ! Notre salut passe par une Europe plus forte. Attendons de voir quelle coalition va se dégager après le scrutin de dimanche outre-Rhin et si le moteur franco-allemand, préalable indispensable à un sursaut européen, a des chances de repartir. Mais nous n’allons sans doute pas échapper à la nécessité de trouver des compromis entre transition énergétique et développement industriel. Pas 100% vert trop vite, mais plus vraiment gris non plus : la Transition, quoi ! Mais cela vaudra toujours mieux que le chacun pour soi. A quoi bon avoir raison tout seul ? Pour éviter que certains de nos voisins ne cèdent à la tentation d’une productivité totalement décomplexée, nous avons besoin d’une Europe unie et soudée. S’il y a un nouveau compromis entre Allemands, soyons pragmatiques : il faudra bien que les Français s’en inspirent, et que Georgia Meloni se fasse (un peu, beaucoup ?) au Green Deal. Avec Viktor Orbán, ce sera plus difficile (btw, son mandat va jusqu’en 2026). https://bit.ly/3D2Vqxs
CSR Director and Chief Transformation Officer at GreenYellow
1 moisSpot on as usual Marion Henriet !