🔐 Le droit d'habiter
Se loger est peut-être le premier de nos besoins, on observe pourtant que partout la crise du logement fait rage. Les prix flambent (+ 160% en France entre 2000 et 2020) tandis que les revenus stagnent (+45% sur le revenu moyen) et les politiques de tous les pays colmatent au mieux par des aides au logement. La crise actuelle n’a rien d’une fatalité. Dans son essai intitulé Halte à la spéculation sur nos logements (Rue de l’échiquier, janvier 2024), Isabelle Rey-Lefebvre, décortique avec précision l’histoire qui se joue dans toutes les métropoles européennes. Les facteurs démographiques, la hausse des coûts de construction, et la raréfaction du foncier expliquent une partie du problème. Mais si cette crise a pris une telle ampleur, c'est le fait de politiques publiques qui se sont tirées une balle dans le pied par seul souci d'économies. Nous avons perdu les moyens d’endiguer la crise en tentant de faire du logement un bien marchand comme les autres permettant d'habiter comme de spéculer. Particuliers multi-propriétaires comme grands fonds d’investissements ont tout intérêt à voir monter la valeur marchande de leurs biens, au risque de les rendre inabordables pour toute une partie des habitants.
Des poches d’irréductibles (trop rarement gaulois) résistent cependant à la spéculation sur nos logements : initiatives citoyennes comme les Community Land Trust de Bruxelles, interventionnisme de la collectivité de Vienne, coopératives habitantes et soutien public à Genève... Le nerf de la guerre est là : remettre au centre la valeur d’usage, sociale, collective et festive de nos logements. Cela ne veut pas dire renoncer à la propriété du bien, c’est au contraire le regagner, avec la ferme intention de le sortir du marché spéculatif. Pas forcément en la confiant à un acteur public comme c’est le cas en France avec les OFS, mais dans tous les cas à un acteur de long terme à but non lucratif.
Ces récits de vie nous prouvent une fois de plus que des choix individuels et intimes sont en réalité politiques. Ce tour d’Europe nous prouve que des solutions existent, à petite échelle, pour libérer le logement des griffes de la spéculation. Mais cela impose de remettre collectivement en question notre rapport à l’immobilier et à la propriété. Il est temps de cesser de prétendre que la flambée des prix est inéluctable pour s’atteler à une vraie politique du logement, car nous avons bien plus à y gagner.
— Lucie Carpentier (LinkedIn)
📅 Jusqu’au 20 juin, exposition Nature en ville et adaptation au changement climatique. Le CAUE de l’Hérault vous invite à découvrir cette exposition dans leurs locaux. Co-crée par l’association Chercheurs et herbe et la Région SUD PACA, cette exposition s’accompagne de nombreux évènements : conférences, ateliers, balade urbaine…
Recommandé par LinkedIn
📮 Lettre aux 500 000 (futurs) élus municipaux. De peur que l'actualité géopolitique et gouvernementale très mouvementée de ces derniers mois n'occulte les élections municipales 2026, Manon Loisel et Nicolas Rio ont décidé d'y contribuer à leur manière. Ils se sont donnés pour objectif d’écrire pendant un an, un billet mensuel assorti d'un exercice pratique pour parler action publique et démocratie locale. L'objectif est d'inviter les candidats à se projeter dans la prochaine mandature et faire en sorte que les élections contribuent à rendre l'action publique plus démocratique. La première édition portait sur les critères d'une campagne démocratique réussie, tandis que la seconde interroge le devenir des politiques de transition dans un contexte de backlash écologique.
Engager le dialogue avec les candidats tout en s’adressant au futur élu qui est en vous, alimenter vos réflexions politiques en partageant nos questionnements sur l’action publique à venir : voilà l’exercice d’équilibriste que nous vous proposons de faire à travers cette lettre mensuelle à destination des 500 000 futurs élus municipaux.
📗 Mayotte, département colonie. Rémi Carayol, éditions La fabrique 2024. Remonter le temps est toujours un bon moyen d'éclairer la complexité d'une situation, et celle de Mayotte l'est particulièrement. Regarder ce territoire isolé à plus de 8 000 kilomètres de l'hexagone par l'entrée coloniale est aussi éclairant, mais là encore l'île se singularise. Géographiquement et culturellement liée aux trois autres îles de l'archipel des Comores, Mayotte fait pourtant le choix en 1974 de ne pas devenir indépendante et de « rester française pour être libre ». Une séparation qui met encore la France en porte à faux par rapport au droit international, qui s'expliquer par la crainte des Mahorais se voir dominés dans une Comores indépendante et par bien des turpitudes politiques. Très clair, cet ouvrage remonte jusqu'à aujourd'hui pour montrer les impasses d'une départementalisation de façade, et la montée des tensions entre des communautés qui se polarisent, alors que chaque famille est traversée par ces frontières improbables.
Il est impossible de couper ce cordon : les îles sont trop proches, les liens trop étroits, et le différentiel de salaires et de service entre Maore et les autres est trop grand pour l'envisager. L'île (et l'ensemble de l'archipel) est ainsi soumise à cette équation insoluble : plus elle intègre les standards français et les normes de la « métropole », plus elle bénéficie des fonds alloués par Paris, plus elle attire les Comoriens des autres îles. Autrement dit : plus elle se rapproche de la France, plus elle se rapproche des Comores.