Jugaad

JUGAAD…retenez bien ce mot, devenu slogan au fil de la campagne de Vera El Khoury Lacoeuilhe car vous allez en entendre parler. “Jugaad” est un mot hindi qui désigne la débrouillardise, le «faire plus avec moins », l’art de concevoir des solutions ingénieuses avec des moyens réduits, largement pratiqué dans les pays émergents.

Le mot est devenu un concept grâce à Navi Radjou, franco-américain né à Pondichéry. Son livre « Innovation Jugaad. Redevenons ingénieux » en fait le gourou de la pensée de l’économie dite frugale, celui que les grands décideurs écoutent de plus en plus attentivement.

Mais revenons à Vera. «L’UNESCO est connu pour ses belles productions intellectuelles, mais nous avons besoin aussi de propositions concrètes pour agir au plus vite», dit-elle et précise: «L’UNESCO fonctionne comme un pachyderme lourd de ses barrages administratifs. Pourtant de tous les pays que je visite, me remontent des idées et des propositions très pragmatiques.»

Il faut assurément une innovatrice 100 % “jugaad” qui sache porter de nouvelles solutions pour les futurs combats de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Tous ces domaines, cruciaux pour l’avenir des prochaines générations nécessitent une approche totalement révolutionnaire, celle d’une femme qui revendique depuis longtemps son esprit peu conventionnel et visionnaire.

“Jugaad” est devenue en quelques années la théorie avant-gardiste des économistes. Une vision réaliste et créative d’un monde en mal de ressources, à la fin du cycle du tout-consommation. « Nous rentrons dans un monde de pénurie, les sources naturelles se raréfient. Il faut cesser de croire qu’elles sont infinies. Dans les pays développés, le pouvoir d’achat des classes moyennes diminue. Vivre avec moins ne représente pas pour autant un sacrifice. Cela peut être source d’innovation et même d’une meilleure qualité de vie, » comme l’expliquait Navi Radjou, au « Woman Forum ».

Vera El Khoury Lacoeuilhe se passionne pour ce sujet: « Le monde est à l’aube d’une transformation numérique radicale. L’UNESCO avec ses attributions « Culture, information et communication doit être à la pointe de l’innovation. L’ère industrielle est terminée, les métiers traditionnels vont largement disparaître. L’intelligence artificielle va prendre tout son essor. Il faut que l’UNESCO soit à l’affût pour être capable de comprendre les nouvelles compétences pour inventer de nouveaux métiers pour les jeunes »

À l’origine, en Inde, les inventions “jugaad” sont des solutions de débrouillardise et de bout de ficelle: un cadenas pour fermer sa voiture, des bouteilles en plastique en guise de bouée pour le cours de natation des enfants, un réfrigérateur tout en argile pour les contrées sans électricité.

Aujourd’hui, chercheurs et ingénieurs se penchent sur cette approche “jugaad” pour trouver des solutions d’avenir. Parmi les exemples les plus spectaculaires, on trouve le projet de Paul Benoit, polytechnicien. Le cofondateur de « Quarnot computing » a développé une solution pour chauffer gratuitement les bâtiments grâce à l’énergie émise par des serveurs informatiques. Il suffit d’installer les microprocesseurs à distance, c’est à dire dans les radiateurs des particuliers. Le procédé a pour vocation d’économiser des tonnes de CO2 chaque année. Une solution 100% “jugaad”!

Des entreprises bien connues du grand public sont également nées de la philosophie “jugaad”. Confronter à un besoin urgent ou crucial par des solutions existantes et frustrés par les solutions existantes - trop chères ou inaccessibles - ils ont décidés de résoudre le problème par eux même. Ces entreprises proposent des logements chez l’habitant ou offrent un service de covoiturage. Vous voyez bien: la pensée “jugaad” est déjà dans les habitudes de la génération yz.

L’UNESCO a besoin d’une direction générale “jugaad”. Vera El Khoury Lacoeuilhe est cette femme là!

- Gaëtane de FRAMOND, Reboot Paris