Reporting intégré : une vision globale de la création de valeur - Compte-rendu du séminaire du 11 mai 2017

Reporting intégré : une vision globale de la création de valeur - Compte-rendu du séminaire du 11 mai 2017

Arnaud de Bresson Paris Europlace

L’un des thèmes prioritaires de longue date de Paris EUROPLACE est l’investissement à long terme et le développement du dialogue Emetteurs/Investisseurs dont la responsabilité sociale d’entreprise ou RSE est une des questions centrales. Le reporting intégré est également un de ces composantes et Paris EUROPLACE s’est saisi de la question à la demande de plusieurs grandes entreprises et des fédérations professionnelles.

Les entreprises françaises, engagées depuis plusieurs années dans la prise en compte des enjeux de développement durable, sont aux premiers rangs des meilleures pratiques européennes et mondiales. Fort de cette dynamique pionnière, la Place de Paris, 1ère place financière d’Europe continentale, souhaite représenter la diversité des intervenants qui y sont actifs, participer activement aux réflexions engagées sur ces sujets, et promouvoir une plus grande simplicité, pertinence et flexibilité de reporting favorables à l’émergence de bonnes pratiques et aux attentes des investisseurs.

Sous l’égide de Paris EUROPLACE, une réflexion collective a été entamée, depuis début 2016, entre les acteurs intéressés au niveau de la Place de Paris (entreprises, investisseurs, associations professionnelles) sur la notion d’integrated thinking, c’est-à-dire la création de valeur des entreprises à long terme et sur la manière dont elles en rendent compte à leurs investisseurs et autres parties prenantes. L’objectif du groupe de Place était de créer un lieu de partage et d’échanges entre ses membres en vue de définir des positions de Place communes à travers un état des lieux et des recommandations à partager au niveau européen et international avec les différentes parties prenantes concernées.

La particularité du groupe est de réunir la fois des représentants des directions développement durable mais également des directions financières car il nous a semblé important d’insister sur le fait que ces sujets ne sont pas uniquement des sujets d’« extra-financier » mais ont bien également un impact sur la création de valeur financière de l’entreprise

Des premières recommandations ont été publiées en décembre 2016 à l’occasion de l’événement annuel de l’IIRC avec lequel Paris EUROPLACE a signé un accord de collaboration. Parmi ces 7 propositions : promouvoir la démarche de l’integrated thinking ; encourager les expérimentations et démarches volontaires auprès des entreprises ; simplifier la communication des entreprises ; les pouvoirs publics français sont invités à simplifier le cadre juridique afin d’éviter l’accumulation des obligations ; les autorités européennes sont invitées à mener une réflexion sur la pertinence des obligations de reporting, dans tous les domaines ; en enfin un participation active aux échanges internationaux en la matière est encouragée.

Michel Léger Institut Messine

L’Institut Messine, lié à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a publié en juin 2015 un rapport intitulé « L’excès d’information financière nuit-il à l’information financière », concrétisation des travaux d’un groupe où figuraient représentants des entreprises, avocats, commissaires aux comptes, analystes financiers et agences de notation. Ce document procède à un état des lieux de l’information financière et extra financière, jugée pléthorique et compartimentée.

Le rapport débouche sur les propositions suivantes :

Les autorités publiques et professionnelles doivent mieux se coordonner pour que les obligations de publication qu’elles édictent ne doublonnent pas. (…) Avant d’imposer une publication supplémentaire, elles doivent s’interroger sur la lisibilité et la comparabilité dans le temps des informations à publier.

Abandonner le document de référence au profit d’une « documentation » de référence en ligne indexée et régulièrement mise à jour en fonction des changements significatifs intervenus dans l’entreprise.

Instaurer et rendre obligatoire, en ouverture (homepage) de la nouvelle « documentation » de référence, un « Avant-propos stratégique » où le management livrerait son analyse de l’exercice écoulé, ses attentes pour l’exercice en cours et, au-delà, sa vision stratégique pour l’entreprise. Ecrit dans un format plus libre que le résumé imposé pour le prospectus, cet avant-propos serait concentré sur des thématiques recommandées par le régulateur (…).

Que le rapport de gestion cesse, par dérogation, d’être obligatoire pour les sociétés cotées : l’ « Avant-propos stratégique » en tiendrait lieu. Les éléments de nature juridique, eux, seraient inclus dans la documentation de référence.

Réorganiser les annexes par thèmes en hiérarchisant les informations

selon leur pertinence. Clarifier la présentation en utilisant des graphiques, des codes couleurs, des tableaux analytiques et des liens hypertexte entre les informations.

Emmanuel Monnet DG Trésor

La France est pionnière en matière de reporting dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale (responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elle exerce sur la société), puisqu’un cadre législatif a été établi dès 2001.

La directive RSE (directive 2014/95, qui s’applique aux grandes entreprises) a permis l’établissement d’un cadre harmonisé de reporting extra financier au niveau européen, qui laisse toutefois aux États membres une marge de flexibilité importante, ceux-ci étant libres de fixer le contenu précis du rapport. La directive prévoit également une présentation structurée des informations et une approche par la matérialité (le reporting doit se concentrer sur les mesures pertinentes pour l’entreprise qui le publie). La directive européenne sera transposée en droit français dans le courant de l’année 2017.

Une dynamique en faveur du reporting intégré est à l’œuvre, avec notamment une pression croissante de la part des investisseurs, de nouveaux thèmes (corruption, chaînes d’approvisionnement…) et la possibilité de se référer à des référentiels internationaux.

La direction générale du Trésor, qui est favorable au développement du reporting intégré, estime qu’il ne faut pas privilégier de référentiels en particulier. La priorité est de veiller à la pertinence et à l’efficacité du reporting RSE, ainsi qu’à sa bonne appropriation par les entreprises et l’ensemble des parties prenantes.

Maryline Dutreuil-Boulignac Autorité des marchés financiers

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié fin 2016 son troisième rapport sur la RSE. L’échantillon d’étude était constitué de soixante sociétés cotées, dont la moitié appartenant à l’indice SBF 120. Parmi les constats de cette étude : une pagination consacrée à la RSE en augmentation de 40 % par rapport à 2013 ; un plus grande transparence quant à la construction des indicateurs (même si la comparabilité entre émetteurs pourrait être améliorée) ; des efforts réalisés par les grandes entreprises pour définir des objectifs chiffrés encadrant leur démarche RSE, mais des progrès encore à accomplir sur leur suivi dans le temps ; des grandes entreprises de plus en plus engagées dans une démarche d’intégration des enjeux extra-financiers dans leur rapport annuel.

Dans ce rapport, l’AMF a reconduit ou actualisé des recommandations axées sur la transparence de l’information émises précédemment et en a proposé quatre nouvelles : améliorer la pertinence de l’information extra-financière via notamment un effort de hiérarchisation des enjeux et de concision des messages ; mieux décrire le rôle de la RSE dans la stratégie de l’entreprise ; s’interroger sur l’articulation des information financières et extra-financières ; améliorer la communication dans le cadre d’émissions d’obligations vertes (green bonds).

De façon générale, l’AMF est attentive à la lisibilité de l’information et à la cohérence des différents messages : par exemple entre les risques présentés dans le rapport RSE et les facteurs de risque tels que décrits dans le document de référence.

Dans le cadre de la révision de la directive européenne Prospectus, l’AMF défend auprès de l’ESMA et de ses homologues l’idée selon laquelle il conviendrait d’ajouter dans des éléments extra-financiers.

Richard Howitt IIRC

L’International Integrated Reporting Council, qui développe notamment des outils et des cadres de référence, estime que la RSE ne doit pas se résumer à de simples reportings. Le RSE doit imprégner la stratégie de l’entreprise. La gestion, quant à elle, doit aussi être intégrée (l’entreprise doit éviter de fonctionner en silos). Autrement dit, le reporting intégré n’est qu’une des facettes d’une vision globale dite integrated thinking.

L’un des concepts centraux de l’integrated thinking : les six types de capital (financier, humain, naturel, social, intellectuel, manufacturier).

Cette approche globale est probablement promise à un bel avenir, car émerge un mouvement puissant à l’initiative d’entreprises qui estiment qu’il est possible de vivre dans un monde plus respectueux des questions sociales et environnementales.

Les entreprise devraient comprendre que le non financier sera du financier à terme.

Il y a une impérieuse nécessité de simplifier la communication des entreprises ; ne pas le faire desservirait grandement la cause de la RSE.

Il est normal que la cause du reporting intégré soit pour l’instant défendue par des multinationales, mais à terme, ce sont toutes les entreprises qui doivent être concernées.

Fouad Benseddik Vigeo Eiris

L’agence de notation spécialisée en RSE a réalisé une étude pour les besoins de la matinale de l’EIFR, avec l’objectif de mesurer l’écart entre les entreprises publiant un reporting intégré et les autres. C’est le taux d’informations disponibles qui est mesuré.

Sur tous les sujets (environnement, droits humains, gouvernance…), les premières ont un niveau de « maturité redditionnelle » plus élevé.

Les entreprises publiant un reporting intégré publient les informations les plus documentées dans les domaines suivants : dialogue social, horaires de travail, discrimination et diversité, impact social des produits et services, informations aux clients et consommation d’énergie.

Il n’y a pas de lien entre le taux d’informations disponibles et les notes attribuées par Vigeo Eiris : il ne suffit pas de communiquer pour être vertueux.

Un volume élevé d’informations sur les objectifs RSE ne suffit pas à conférer une assurance raisonnable sur la maîtrise des risques associés.

Parmi les recommandations de Vigeo Eiris :

Le reporting intégré nécessite une approche multidisciplinaire (il ne devrait pas être laissé au seul soin de la direction financière).

Le reporting intégré devrait être de la responsabilité du conseil d’administration.

Hervé Gbego Compta Durable

Compta Durable, cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes exclusivement tourné vers la RSE, a mis au point une méthode (Care) permettant d’éliminer les clivages entre la gestion financière et la gestion de l’environnement.

Au centre de la méthode se trouve le coût de conservation, appliqué à trois capitaux : financier, naturel et humain. Trois étapes : mesurer le niveau de durabilité du capital ; optimiser la transition sociale et écologique ; valoriser les performances (traduction dans le compte de résultat et le bilan).

Laura Palmeiro Danone

On assiste aujourd’hui à une prolifération d’informations réglementaires et volontaires. Inutile de lutter contre cette inflation, il faut donc trouver la meilleure manière de la classer afin d’en faciliter l'accès et la lecture.

Danone a fait le choix de s’adresser à toutes ses parties prenantes, et pas seulement à ses investisseurs. Les documents sont structurés de telle manière qu’on y trouve, en fonction de ses besoins et ses attentes, plusieurs degrés de granularité.

Le reporting intégré de Danone a été construit afin d’articuler son approche d’Integrated Thinking autour de quatre axes : «unique business approach », « better health », « better world », « better lives ». Pour chaque axe, on trouve un cadre de lecture similaire:

·    Un contenu vidéo présentant la stratégie de Danone et la relation avec ses parties prenantes;

·    Un contenu plus détaillé sur la stratégie et les engagements de l’entreprise qui aborde le pourquoi (les enjeux) et le comment (l’approche adoptée) ;

·    De nombreux projets pour illustrer de manière concrète la création de valeur à l'échelle des filiales;

·    Une partie dédiée aux indicateurs qui permet de suivre la performance de l’entreprise aussi bien quantitativement (KPI’s) que qualitativement (Danone Way) selon les sujets matériels identifiés par l’analyse de matérialité publiée dans le rapport.

Danone a fait le choix de faire son reporting intégré via un site internet et non un rapport papier pour faciliter la navigation et mettre en exergue le lien entre les différents sujets (intégration).

Caroline de la Marnierre Capitalcom Institut du capitalisme responsable

Une étude a été réalisée par Capitalcom, le Cliff (Association française des professionnels de la communication financière) et Vigeo Eiris, à partir d’un échantillon international.

Il en ressort notamment que l’integrated thinking produit une dynamique vertueuse : on est passé du stade de la simple mise en conformité à une démarche active (3 000 entreprises dans le monde publient un reporting intégré). Deux défis centraux sont à relever : celui de la lisibilité et celui, probablement le plus difficile, de la connectivité des informations.

Si l’échantillon est insuffisamment large pour établir nettement des caractéristiques propres selon la nationalité de l’entreprise, on distingue, par exemple, que les entreprises françaises s’adressent plutôt aux parties prenantes, que les entreprises britanniques s’adressent plutôt aux actionnaires, tandis qu’aux Etats-Unis, c’est la notion de risque qui prime.

Les cadres de référence les plus cités : IIRC (56 %), UN Global Compact (38 %), Global Reporting Initiative (31 %), OCDE (19 %).

Qui pilote le reporting intégré ? Le développement durable (38 % des cas), les relations avec les investisseurs (19 %), développement durable + relations avec les investisseurs (13 %), marketing et innovation (6 %), non précisé (solde)


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