Le débauchage, l'espionnage ou les fuites d'informations relatives aux grandes orientations stratégiques de l'entreprise : quelles alternatives ?
Plus possible de manager dans le secret ? Jean-Louis Muller (Le Management dans tous ses états) L’actualité politique fourmille de situations dans lesquelles les secrets soi-disant bien gardés éclatent en plein jour. À peine la décision est-elle prise en secret, qu’elle fait l’objet de rumeurs dans les médias et les réseaux sociaux. De simples documents de travail supposés émettre des hypothèses se muent en informations sûres et certaines. Il en est de même dans les entreprises. Les fuites touchent aujourd’hui tous les pans de l’activité.Les changements internes : promotions, démissions, réorganisations, projets de fusion…Les innovations sur les produits et services qui se retrouvent dans les bureaux d’étude de concurrents. La stratégie de l’entreprise et ses business plan, connus par des acteurs qui ne devraient pas « être dans la boucle »De nombreux managers s’en plaignent, pensant que ce n’est ni normal, ni moral. Ils ont peut-être raison sur le fond mais leur indignation ne colmate pas les brèches. En 2014 et probablement pour les années à venir, prenons ce phénomène comme une donnée et adoptons des dispositions pour s’en protéger.Quels sont dans la sphère entrepreneuriale, ces nouveaux paramètres à intégrer ? Ces paramètres, loin d’être de simples causes sont corrélés entre eux.
1. Financiarisation de l’économie. En particulier dans les grands groupes multinationaux, les fonds de pension et les actionnaires sont le centre de gravité des préoccupations des dirigeants. De nombreux acteurs, y compris des top-managers estiment que leurs dirigeants font mine de s’intéresser aux produits, aux services aux clients et au personnel mais que seuls les résultats financiers les motivent. Le sentiment d’appartenance à une communauté et à une culture laisse la place à une contractualisation accrue des relations professionnelles.
2. Employabilité. Fut un temps où la promesse était : « si vous travaillez bien et êtes engagés dans l’entreprise, une belle carrière vous ferez. La Direction de Ressources humaines s’occupera de vous. » Aujourd’hui, le concept de carrière est remplacé par celui de trajectoire professionnelle. Chacun doit se comporter comme s’il était l’entreprise de lui-même. Son projet personnel prime sur son appartenance à telle ou telle organisation.
3. Marchandisation. La phase de développement actuel du capitalisme mondial est une marchandisation de biens et services jusqu’ici subventionnés et prodigués à bas coûts par les états « providences ». Tout se monnaie dans les entreprises : un service rendu, une information, l’atteinte d’un objectif, une vente exceptionnelle. Le secret possède une très grande valeur marchande.
4. Flottement éthique. La morale et l’éthique étaient censées nous protéger de notre avidité et de nos pulsions. Le « tout pour moi » estompe des valeurs telles que sens de la parole donnée, confiance, solidarité. La transparence est hissée au rang de vertu.
5. Intelligence économique. Toutes les entreprises développent des programmes d’intelligence économique pour s’adapter rapidement aux évolutions de l’environnement. Elles sont en veille permanente sur les concurrents, les technologies, les données sociétales et les politiques.
6. Espionnage. Ce phénomène n’est pas nouveau mais accentué grâce à des outils très sophistiqués d’écoute et de visualisation.
7. Les réseaux sociaux et les lanceurs d’alertes, relayés par les médias permettent par recoupements et fuites de mettre au grand jour ce qui devait rester dans l’ombre.
Ceci étant dit, le droit nous protège et la grande majorité des collaborateurs sont loyaux.
Il existe un juste milieu entre naïveté et paranoïa.
Qu’est-ce qu’un manager peut faire ?
Vous avez probablement des idées et astuces face à ce phénomène-puisque vous êtes payé (e) comme Conseiller ou un Consultant placé en Staff du big Manager, faites-nous les connaître.
Réponses ou solutions possibles- -issues des réflexions de l’auteur Jean-Louis Muller:
1- Dire la vérité et être transparent sur les enjeux et les scénarii possibles des changements et des transformations
2-Dire toujours la vérité, pas toute
3-Lors des réunions sensibles, verbaliser un pacte de discrétion entre les participants, au cours d’un premier tour de table.
4-Faire déposer au vestiaire les Smartphones et tous les appareils électroniques avant les réunions et entretiens sensibles et brouiller les réseaux.
5-Au lieu de la simple annotation « confidentiel » sur certains documents, ajouter l’article de loi sur la confidentialité.
6-Ne pas diffuser certains documents et préférer l’information orale
7-Changer souvent les codes d’accès aux sites protégés
8-En cas de doute, livrer un secret à une seule personne pour vérifier qu’elle s’y conforme ou pas.
9-Sanctionner avec vigueur les personnes « hors-jeu »
Veuillez trouver ci-après notre Apport et/ou Complément d’idées et astuces aux solutions ou réponses possibles proposées par l’auteur (Jean-Louis MULLER) pour pallier ces goulots d’étranglement du développement de l’entreprise moderne (Jean-Louis MULLER) : Il devient difficile aujourd’hui pour tout manager de gérer son entreprise en autarcie sans avoir un repère d’informations sur ses concurrents. Le marché ou le secteur en lui-même est jonché de signaux, de messages ou moyens de communication, de spots publicitaires adressés à la clientèle et que certaines entreprises sont tenues d’analyser ou d’interpréter pour y dénicher des répliques ou des pistes de création de produits afin de diversifier ou différencier leur portefeuille.Pis encore d’autres entreprises n’hésitent pas à chercher ces mêmes informations « dans les couvents de leurs concurrents » par tous les moyens : veille concurrentielle, espionnage, veille technologique, débauchage de ressources humaines compétentes expérimentées ou capées contre une meilleure rémunération (meilleurs avantages, véhicules de fonction, logement de fonction, assurance-retraite complémentaire…) ou un meilleur traitement salarial. Le phénomène (cette lutte ou rude bataille) évolue au rythme de la mondialisation des affaires et donc des secteurs pour remplacer ou conforter la situation de concurrence pure et parfaite. Il gravite en réalité autour des paramètres (cités ci-dessus par Jean-Louis MULLER) intrinsèquement liés entre eux pour faire échouer les managers dans leurs orientations stratégiques.
S’il y a un paramètre ultrasensible par lequel ce phénomène prend de l’ampleur et s’amplifie c’est bien le deuxième : l’employabilité !En effet, l’employé (ou le salarié) des années 60, 70, 80, 90 n’a pas les mêmes visions que celui des années 2000. Ils ont- à cela près -le même statut : lien de subordination, faire quelque chose à quelqu’un (en l’espèce l’employeur/l’entreprise) moyennant une rémunération. Mais, il est bien loin et même révolu ce temps où les entreprises (employeurs) dressaient un plan de carrières et promettaient à leurs employés (salariés) des promotions en contre partie de leur acharnement au travail sur plusieurs années ! Rares même sont devenues ces entreprises ou employeurs qui reconnaissent et paient les heures supplémentaires sérieuses ou honnêtes (sans abus) à leurs employés (ou salariés).De nos jours à quoi assistons-nous? Un jeune salarié (employé) recruté pourrait être contraint à gagner le même salaire pendant cinq ans voire dix ans alors même qu’il était embauché au poste comme célibataire au statut ou même que l’inflation galopante aurait mis au rabais ce salaire!
Imaginons un instant – en dehors de ses ambitions personnelles-que ce jeune salarié (employé) ait changé de statut : il se marie avec les enfants. Pensez-vous qu’il se donnerait davantage au travail comme à ses débuts ? D’abord, le salaire qui couvrait ses charges de célibataires s’amenuiserait face à celles du père de famille qu’il est devenu avec une femme et des enfants : ces besoins ne sont plus les mêmes qu’auparavant!
A moins d’être bien éduqué et de bonne famille (respect de la parole donnée, confiance en soi, transparence, …) il n’hésitera pas à chercher à travailler chez les concurrents, passer d’autres entretiens pour monnayer ses expériences afin de mieux vivre et contenter sa petite famille. D’aucuns se font même débaucher par les entreprises concurrentes qui leur proposent des traitements avantageux. D’autres développent des velléités de vol sans trace pour combler le vide ou joindre les bouts et faire face aux charges qui leur incombent. D’autres encore aux postes stratégiques mais mal traités choisissent de violer (vendre) certains secrets pour évoluer vers les concurrents avec toute la compétence qui leur est reconnue.
Qu’est-ce qu’un manager peut faire face à ce phénomène ? De toute évidence, un salarié recruté il y a cinq ans ne serait plus le même (faute d’une force de caractère, sa moralité pourrait prendre un coup) :
1 - Il voudra grandir ou cherchera mieux ;
2 - Il prendra un repère parmi ses condisciples (camarades de classes de la même promotion avec lesquels il a étudié) ayant le même diplôme et ayant été embauchés la même période. Il réfléchirait ainsi : « Jean travaille dans le même secteur que moi. Il est déjà chez lui, il n’est plus locataire. Il a même deux voitures. Ces enfants vont dans une école de renom. Comment se fait-il que j’en sois encore à ce stade alors que j’étais le meilleur ? »
Alors ce sont des questions auxquelles sont souvent confrontés les salariés après autant d’années dans une entreprise (cinq ans voire plus) !Le Manager doit prendre de la hauteur face à certaines situations, faire la part des choses : couper la poire en deux ou se montrer un peu plus généreux que d’ordinaires !
Certes les actionnaires attendent un retour positif sur le capital qu’ils ont investi en lui confiant la gestion. Mais ce capital (soit-il un placement financier ou pas) ne bougerait pas d’un iota sans le travail des salariés, des hommes et femmes rompus à la tâche, à longueur de journée, de mois et d’années aux côtés du Manager.
Reconnaissants de ce fait, certains Managers modernes essaient d’ouvrir le capital au personnel afin qu’il s’approprie les grandes orientations stratégiques pour ne pas basculer du côté d’un concurrent plus attentionné : c’est une idée qui responsabilise davantage les salariés et les intéressent, les rendent acquis à la cause de l’entreprise (c’est notre cause commune : besoin d’appartenance, esprit d’équipe, regain d’intérêt…)
D’autres Managers se cachent derrière la loi pour punir les employés vicieux coupables de vol (malversation), ou de violation du secret professionnel : en réalité l’article 56 du code de travail Béninois définit les fautes lourdes d’ordre professionnel appréciable -à l’opportun- par la juridiction compétente.
D’autres Managers encore usent de l’entretien professionnel comme une arme, un outil périodique (deux ans, trois ans ou six ans…) de développement des compétences de leurs collaborateurs et de performance pour leur entreprise :- soit en leur demandant ce qui les motive. On peut être tenté de penser que les salariés ont les mêmes motivations, l’argent, la reconnaissance par exemple. Mais en réalité c’est plus compliqué. Le challenge, la sécurité, les horaires de travail, la pression et beaucoup d’autres éléments entrent en compte dans la motivation des salariés. En leur demandant individuellement ce qui les motive, le Manager leur prouve d’une part son intérêt pour eux, et d’autre part il se donne les moyens d’adapter son comportement à chaque salarié. -soit en leur accordant de petits avantages. Pour motiver vos salariés, si vous êtes une PME, il y a peu de chances pour que vous soyez en mesure d’offrir à chacun une voiture haut de gamme ou un voyage de rêve dans un pays étranger. Pourtant rien ne dit que les avantages que vous accordez à vos salariés doivent avoir un coût démesuré pour avoir un impact. Vous pouvez vous concentrer sur les petites choses qui leur seront utiles. Pourquoi ne pas offrir à vos salariés un vélo après une certaine durée passée dans l’entreprise par exemple ? Cela peut également être des clés USB, des tasses personnalisées… cela ne va pas changer la vie de vos salariés mais ils pourront les utiliser et sentiront surtout que vous vous intéressez à eux.- soit en leur proposant des formations après deux ans ou cinq ans de vie active dans l’entreprise : l’absence de possibilité de développement est une des raisons qui pousse les salariés à quitter leur entreprise. Pour améliorer leur moral et leur motivation, faites-en sorte qu’ils aient le sentiment d’améliorer leurs compétences en restant chez vous. La première étape est de favoriser la transmission des connaissances en interne, associant par exemple les nouveaux employés avec ceux qui ont une plus grande expérience. Ensuite, si vous avez les moyens, vous pouvez offrir à vos salariés la possibilité d’assister à des conférences ou de suivre des formations spécifiques. L’important est de ne pas se focaliser exclusivement sur le court terme, certes ces formations et conférences ont un coût mais elles améliorent les compétences et performances des salariés.
D’autres Managers enfin-précautionneux-limitent au maximum ou extrêmement les informations relatives aux orientations stratégiques de l’entreprise entre eux (Directeurs) à tel point que rien ne filtre des instances de décisions (CODIR, Cercle de qualités, Technostructures…) aux oreilles de leurs proches collaborateurs avant la phase finale ou de réalisation des objectifs ! ( Arnaud Egide KOFFI)
Arnaud Egide KOFFI