L'œil de SPORSORA : Passage de relais au Comité International Olympique - Kirsty COVENTRY Plébiscitée
La 144ème session du Comité International Olympique (CIO) s’est tenue du 19 au 21 mars à Costa Navarino, en Grèce. Au cœur de cette session, un tournant majeur se profile avec l’élection de Kirsty Coventry, qui deviendra officiellement présidente du CIO le 24 juin 2025. Après douze années de réformes marquées par des défis politiques, environnementaux et la supervision de l'organisation de six éditions des Jeux, Thomas Bach a consolidé le mouvement olympique, et c’est désormais à la double championne olympique zimbabwéenne de natation de relever les défis à venir. Première femme et première représentante du contient Africain à accéder à ce poste, l’actuelle ministre zimbabwéenne de la Jeunesse, du Sport, des Arts et des Loisirs incarne une nouvelle ère.
I- Le bilan de Thomas Bach et la transition vers Kirsty Coventry
En prenant la relève de Jacques Rogge (président du CIO de 2001 à 2013), Thomas Bach a profondément transformé le CIO. Dès son arrivée en 2013, il a lancé l'Agenda 2020, une série de réformes destinées à moderniser l'organisation, à améliorer la transparence et à rendre les Jeux Olympiques plus attractifs et durables. Face aux défis du gigantisme des Jeux et du coût croissant des candidatures, il a encouragé l'utilisation d'infrastructures existantes et simplifié le processus d'attribution des Jeux.
Sous son mandat, il a également sécurisé des contrats de sponsoring (le dernier en date étant Allianz [1] [membre de SPORSORA]) et de droits TV jusqu'en 2032, assurant ainsi la stabilité économique du CIO. Il a dû gérer des crises majeures, notamment la pandémie de la Covid-19, la guerre en Ukraine et le scandale du dopage russe, tout en maintenant l'unité du mouvement olympique.
Dès le début de son mandat, l’Allemand a initié une série de réformes visant à moderniser le CIO et à relever les défis contemporains. Cette initiative a permis de répondre à des enjeux cruciaux, comme la proportion de femmes dans les compétitions olympiques, qui a considérablement augmenté, atteignant la parité aux Jeux de Paris 2024 [2]. Il a aussi œuvré pour la réduction de l'empreinte carbone des Jeux, avec une baisse de 54 % en 2024 par rapport aux éditions précédentes [3]. Thomas Bach a favorisé l’intégration de nouveaux sports, comme l’e-sport - avec le lancement des Jeux Olympiques de l’e-sport - un domaine où le CIO prévoit des revenus potentiels de plusieurs milliards de dollars dès la première édition en Arabie saoudite en 2027.
Sous la présidence de Thomas Bach les coûts ont été réduits et le processus d’attribution accéléré, ce qui a permis au CIO de sécuriser un revenu de 7,7 milliards de dollars pour l'Olympiade 2021-2024, 7,4 milliards de dollars pour 2025-2028 et déjà 6,5 milliards pour 2029-2032 [4].
L’héritage de Thomas Bach inclut également une réflexion sur l’intégration des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle dans l’organisation des Jeux. Enfin, et malgré ces succès, les Jeux d’hiver restent un défi de taille en raison du dérèglement climatique, qui limite les sites capables d’accueillir l’événement et oblige à repenser un modèle encore trop dépendant des conditions climatiques, aujourd’hui en plein bouleversement.
II- L'élection du président du CIO : le mode d’emploi
Le président du CIO est le garant des valeurs olympiques et le représentant de l’institution à travers le monde. Il préside toutes les sessions et instances exécutives du CIO et dispose de pouvoirs décisionnels en cas d’urgence. L’élection du président du CIO suit un protocole précis, régi par la Charte olympique et organisé lors d’une session exceptionnelle réunissant l’ensemble des membres de l’instance [5]. Prenons le cas de l’élection de Kirsty Coventry le jeudi 20 mars 2025, deuxième jour de la 144ème session du CIO à Costa Navarino, en Grèce. Les 97 membres du CIO ont voté à huis clos via un système électronique sécurisé [6].
Un scrutin à majorité absolue
Le président du CIO est élu à la majorité absolue, soit la moitié des voix exprimées plus une. Si aucun candidat n’atteint ce seuil au premier tour, le candidat ayant obtenu le moins de voix est éliminé et un nouveau tour est organisé. Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’un seul candidat reste en course ou atteigne la majorité requise. En cas d’égalité entre les deux derniers candidats après le deuxième tour, le président sortant, après consultation de la commission exécutive, dispose d’un droit de vote prépondérant pour départager les finalistes [7].
Un mandat de huit ans
Le président du CIO est élu pour un mandat de huit ans, renouvelable une seule fois pour quatre années supplémentaires. Cependant, ce mandat peut être écourté si le président perd son statut de membre du CIO avant l’âge limite de 70 ans. Elue dès le premier tour face aux six autres candidats [8], Kirsty Coventry débutera officiellement son mandat le 24 juin 2025, permettant une transition de plusieurs semaines avec Thomas Bach.
Les six autres candidats étaient : S.A.R. le Prince Feisal Al Hussein, Monsieur David Lappartient, Monsieur Johan Eliasch, Monsieur Juan Antonio Samaranch, Lord Sebastian Coe, et Monsieur Morinari Watanabe.
III- Kirsty Coventry : De championne olympique à présidente du CIO
Le parcours de Kirsty Coventry va des exploits dans les bassins olympiques à la présidence du CIO. Première femme africaine à occuper ce poste, elle incarne plus qu’un symbole : un tournant historique pour le mouvement olympique. Née en 1983 à Harare, la capitale du Zimbabwe, Kirsty Coventry découvre la natation lors des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, où la Hongroise Krisztina Egerszegi décroche trois médailles d’or. La future présidente du CIO devient ensuite la nageuse africaine la plus médaillée aux Jeux, remportant sept médailles entre 2004 et 2008, dont deux en or sur 200 m dos.
Son engagement pour le sport ne s’arrête pas à sa carrière d’athlète. Élue à la commission des athlètes du CIO en 2012, elle en prend la présidence en 2018. En parallèle, elle mène une carrière politique au Zimbabwe, où elle est nommée ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et des Loisirs depuis 2018.
Fondatrice de la Kirsty Coventry Academy et de la fondation Heroes, elle œuvre pour la démocratisation de la natation et l’aide aux enfants défavorisés. Son slogan de campagne pour la présidence du CIO, inspiré de la philosophie Ubuntu – « je suis parce que nous sommes » –, illustre sa vision pour le sport
À 41 ans, Kirsty Coventry devient la 10e présidente du CIO, marquant ainsi un tournant dans l’histoire olympique, à un moment où les défis auxquels le mouvement doit faire face sont nombreux.
IV- Les défis et perspectives pour Kirsty Coventry à la présidence du CIO
Avec son élection à la tête du CIO, Kirsty Coventry entame un mandat de huit ans qui s’annonce déterminant, marqué par des enjeux cruciaux à la fois géopolitiques, environnementaux et sportifs.
La géopolitique comme un enjeu majeur
L’un des principaux défis de la nouvelle présidente du CIO sera d’évoluer dans un contexte géopolitique tendu. La question de la participation des athlètes russes et biélorusses aux Jeux Olympiques d’hiver de Milan-Cortina 2026 demeure un dossier sensible, nécessitant une position claire du CIO pour garantir l’universalité des Jeux tout en respectant les sanctions internationales. Par ailleurs, l’élection de Donald Trump et la recomposition des équilibres politiques qui en découle rendent plus complexe le dialogue constructif nécessaire en vue des Jeux de Los Angeles 2028 [9].
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La comparaison n’est jamais raison, mais Thomas Bach était parvenu à maintenir la neutralité politique du CIO malgré l’invasion russe de l’Ukraine, en prenant des sanctions à l’égard de Moscou tout en les atténuant progressivement pour les athlètes (14 athlètes neutres russes individuels ont participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024 [10]) .
Le(s) défi(s) climatique(s) pérenniser des Jeux plus durables
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont marqué un tournant en matière de durabilité, avec une réduction de 54 % des émissions de carbone par rapport à Londres 2012. Kirsty Coventry devra capitaliser sur ces avancées pour ancrer définitivement les valeurs écologiques au sein de l’institution. L’objectif sera de renforcer les engagements du CIO en faveur d’un modèle plus respectueux de l’environnement, en encourageant notamment la réutilisation des infrastructures existantes et en limitant le gigantisme des Jeux.
Innovation
Dans un paysage sportif en pleine mutation, marqué par l’essor de nouvelles disciplines - comme l’e-sport, le padel [11], le MMA ou encore le trail - et l’influence croissante d’acteurs privés dans le développement de nouveaux sports, le CIO doit se moderniser pour maintenir l’intérêt du public. L’introduction du breakdance aux Jeux de Paris, bien que non reconduite à Los Angeles, illustre cette volonté de bousculer les codes. Une opportunité majeure se présente en 2027 avec l’organisation des premiers Jeux Olympiques d’e-sport en Arabie saoudite [12].
Protection des athlètes en luttant contre le dopage
Autre enjeu de taille, la lutte contre le dopage reste une priorité. Kirsty Coventry s’est engagée à garantir des règles uniformes et à renforcer la coopération avec l’Agence mondiale antidopage (AMA) [13]. La question de la protection des athlètes, en particulier des femmes, sera également centrale dans son mandat, notamment pour prévenir le harcèlement et les abus dans le sport.
Internationalisation du CIO pour ouvrir davantage le mouvement olympique au monde
L’élection de Kirsty Coventry à la présidence du CIO marque une nouvelle étape dans l’internationalisation du mouvement olympique. Symbole de cette ouverture, elle devra rapidement relever plusieurs défis majeurs : piloter l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) de Dakar en 2026, premier événement olympique sur le sol africain, attirer de nouveaux partenaires - à l’instar du géant de l’électronique chinois, TCL, qui a rejoint le programme TOP du CIO [14] - et étendre l’organisation des Jeux à de nouveaux continents.
Depuis plusieurs années, le CIO multiplie les initiatives pour sortir de son ancrage traditionnel occidental et élargir son influence. La diversification des sponsors illustre cette dynamique. De plus, l’intérêt croissant de nations émergentes pour l’organisation des Jeux témoigne d’une évolution stratégique. Pour 2036, de nombreux pays hors du bloc occidental sont en lice, notamment l’Inde, l’Indonésie, le Qatar, l’Egypte et le Chili. L’Afrique du Sud, déjà pionnière avec la Coupe du Monde de football en 2010, est également candidate, ravivant l’espoir d’une première olympiade africaine.
Première femme à la tête du CIO, Kirsty Coventry est bien plus qu’un simple rôle modèle : elle doit incarner un renouveau pour l’institution et inspirer à travers le monde. Son parcours d’athlète et son engagement en faveur du développement du sport en Afrique lui confèrent une légitimité particulière, à la fois en tant que championne médaillée et experte de la gouvernance sportive à l’échelle mondiale. Son mandat sera scruté de près, et les prochains mois seront déterminants pour définir la direction qu’elle souhaite donner au CIO.
[1] - « Allianz prolonge son partenariat mondial jusqu’à Brisbane 2032 », Francs Jeux, 13 mars 2025, lien.
[2] - « #GenderEqualOlympics : la parité hommes-femmes sera de mise sur l'aire de compétition à Paris 2024 », CIO, 5 mars 2024, lien.
[3] - « Paris présente le bilan de ses actions pour des Jeux plus responsables », Paris 2024, 12 décembre 2024, lien.
[4] - « Covid, dopage, Russie : quel bilan pour Thomas Bach, président du CIO en période de tempête ? », Mars Ventouillac, L’Equipe, 19 mars 2025, lien.
[5] - « Comment est élu le président ou la présidente du CIO et quel est son rôle? », CIO, lien.
[6] - Nb. Un principe d’impartialité est appliqué : les membres du CIO ne peuvent pas voter pour un candidat de leur propre pays (règle 18-5-4 de la Charte olympique, lien).
[7] - Règle 20 de la Charte olympique, lien.
[8] - « Les feuilles de route des sept candidats à la présidence du CIO », Marc Ventouillac, L’Equipe, 20 mars 2025, lien.
[9] - « Présidence du CIO : l’ombre menaçante de Donald Trump plane sur le sport mondial », Nicolas Lepeltier, Le Monde, 19 mars 2025, lien.
[10] - « La Russie, exclue des Jeux de Paris 2024 mais acteur pas si absent », Louis Rousseau, L’Equipe, 15 août 2024, lien.
[11] - « Infographie : L'origine du Padel : une histoire surprenante ! », SPORSORA, 11 décembre 2024, lien.
[12] - « Les Jeux Olympiques de l'esport finalement en 2027 en Arabie saoudite », Paul Larrivé, L’Equipe, 11 février 2025, lien.
[13] - « Petit-déjeuner et antidopage en attendant les sujets qui fâchent, les premiers pas de Kirsty Coventry comme présidente du CIO », Rachel Pretti et Costa Navarino, L’Equipe, 22 mars 2025, lien.
[14] - « Le CIO et TCL annoncent la conclusion d'un partenariat mondial TOP jusqu'en 2032 », CIO, 20 février 2025, lien. »,