COP26 : Tenants, aboutissants et implications pour l’Algérie
Le présent article est publié en parallèle par le bulletin mensuel de l’association algérienne ‘Club Energy’. Le contenu de l'article n'engage que son auteur et ne représente pas nécessairement les vues des institutions auxquelles il est affilié.
Summary: Now that the curtain has come down on COP26 and that the official documents are available in all six UN languages, we highlight for a French-speaking readership its process and outcomes in three parts. The first examines the antecedents, contexts and objectives; the second reviews the nature and scope of announcements and resolutions; the last outlines the implications in the case of Algeria.
1. Reportée d’un an à cause de la pandémie de Covid19, la COP26 – la 26-ème Conférence dite des Parties sur le climat - s’est finalement tenue à Glasgow, au Royaume Uni. Après deux semaines d’âpres négociations, selon une routine bien rodée sous l’égide du secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), la Conférence a adopté le 13 novembre 2021, en réponse à l'urgence climatique mondiale, le Pacte de Glasgow pour le Climat. Celui-ci appelle les 198 nations signataires, à œuvrer ensemble, pour accélérer la mise en pratique de l’Accord de Paris de 2015 que la Conférence a réussi à consolider et finaliser.
2. Maintenant que le rideau est tombé sur ce rendez-vous décisif et que nous disposons de tous les documents officiels, nous pouvons mettre en relief, de façon clinique et dépassionnée, ses résultats, en trois parties (notons qu’à ce stade nous manquons encore de recul pour émettre un jugement sur le succès ou l'insuccès de la rencontre). La première partie examine les antécédents, contextes et objectifs poursuivis ; la seconde passe en revue la nature et la portée des annonces faites et des résolutions prises ; la dernière esquisse les implications pour l’Algérie.
Antécédents, contextes et objectifs
3. Pour comprendre l’importance relative de la COP26, il est nécessaire de se mettre en contexte historique en faisant un retour en arrière sur la COP21. Celle-ci avait conclu en 2015 à Paris un accord international sur le climat aux termes duquel les pays signataires devaient œuvrer à contenir la température moyenne de la planète « bien en deçà des 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle et à poursuivre leurs efforts pour limiter la hausse des températures moyennes à 1,5 °C ». [1]
4. A cet effet, l’Accord de Paris avait essentiellement prévu :
Cependant, bien que l’Accord de Paris ait établi un dispositif complet pour la lutte contre le changement climatique, certains des instruments clefs pour le rendre opérationnel n’ont pas pu, du fait de leur complexité conceptuelle et de l’incertitude de leurs portées, être mis en œuvre durant les rencontres climatiques qui se sont succédées depuis.
5. Un élément plus récent du contexte de la COP26 est la mise à jour, en août 2021, du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).[2] S’appuyant sur des données nouvelles, les experts auteurs du rapport avaient alerté sur les impacts climatiques sans précédent du réchauffement accéléré de la planète que les émissions de gaz à effet de serre continuent de causer sans répit. Ils avaient en outre fait valoir qu’il faudrait, pour stabiliser le climat, procéder à des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de CO2 ainsi que celles de méthane dont l’impact est nettement plus sérieux.
6. Dans ces contextes, la COP26 devait chercher à valider la faisabilité de contenir le réchauffement climatique dans des limites compatibles avec la science du climat. Pourvu que puissent être clarifiées et finalisées les modalités de l’Accord de Paris afin que celui-ci soit pleinement opérationnel.
Nature et portée des décisions prises
7. Avant d’examiner les dispositions clefs du Pacte de Glasgow, il est pertinent de noter le pessimisme ressenti à l’ouverture de la COP26, suite à la publication des résultats de simulations montrant que les NDCs de l’Accord de Paris (mises à jour en prévision de la COP26) et les premiers engagements nationaux portant sur la neutralité carbone étaient loin d’être suffisants puisqu’ils se traduisaient par des températures moyennes de la planète bien au-delà des seuils de l’Accord de Paris. Ceci, combiné avec le rapport alarmant du GIEC, avait réussi à créer une quasi-unanimité autour du soutien à l'objectif plus strict de 1,5 °C et à susciter de nouveaux engagements vers la neutralité carbone avant 2050 ou peu après.
8. En outre, durant la première semaine des discussions, il ne s’était pas passé de jour sans que des initiatives et engagements nouveaux, conformes à l’esprit de l’Accord de Paris, soient annoncés. Suffit-il d’en lister les plus significatifs :
9. Une autre initiative notable était l’annonce sino-américaine, dite Déclaration de Glasgow, visant à renforcer l'action climatique durant cette décennie. Surmontant leur antinomie, les deux premières puissances économiques mondiales – et plus grands émetteurs de gaz à effet de serre – avaient appelé à une réglementation « concrète et pragmatique » en matière de décarbonatation, de réduction des émissions de méthane et de lutte contre la déforestation.
10. Ceci pour ce qui est des arrangements volontaires de certains pays ou institutions qui, il faut le souligner, ne seront peut-être pas entièrement respectés ou vérifiés sur le terrain. Qu’en est-il alors des dispositions contraignantes ratifiées par l’ensemble des pays ?
11. Examinons celles-ci au fil des sept points structurant le Pacte de Glasgow, à savoir : données scientifiques et urgence ; adaptation ; financement de l'adaptation ; atténuation ; financement, transfert de technologies et renforcement des capacités aux fins de l’atténuation et de l’adaptation ; perte et préjudices ; mise en œuvre ; et enfin collaboration. [3]
12. Données scientifiques et urgence. La Conférence s’est déclarée préoccupée par le fait qu’avec une température courante de 1.1 °C (par rapport à l’ère pré-industrielle), les conditions météorologiques sont déjà extrêmes. Ce constat, et les tendances révélées par les données scientifiques actuellement disponibles, lui font souligner l’urgence de renforcer l’ambition et l’action en matière d’atténuation, d’adaptation et de financement.
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13. Adaptation. Essentiellement, la Conférence se félicite des plans nationaux d'adaptation climatique communiqués à ce jour et adjure tous les pays d'intégrer effectivement l'adaptation dans la planification au niveau national, régional et local. Elle fait en outre appel au GIEC et à la communauté internationale des chercheurs pour faire avancer la compréhension des impacts du changement climatique, des options de réponse ainsi que des besoins d'adaptation.
14. Financement de l'adaptation. La Conférence constate que la contribution actuelle au financement de l’adaptation ne suffit pas à faire face à l’aggravation des effets des changements climatiques dans les pays en développement. En conséquence, elle exhorte les institutions financières et banques à renforcer la mobilisation de telles ressources et encourage tous les pays à continuer à explorer des approches et instruments innovateurs pour la mobilisation de sources privées de financement.
15. Atténuation. Afin de réduire nettement et durablement l’impact sur le climat et l’environnement, la Conférence engage les acteurs à accélérer l’adoption de politiques de développement de systèmes énergétiques à faibles émissions. De même qu’elle les appelle à accélérer les efforts destinés à cesser progressivement de produire de l’électricité à partir de charbon sans dispositif d’atténuation, et d’accorder des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. En outre, elle les invite à réduire les émissions de méthane, d’ici 2030.
16. Financement, transfert de technologies et renforcement des capacités aux fins de l’atténuation et de l’adaptation. La longueur de cette partie prouve que le financement a été le point d'achoppement des négociations. Essentiellement, la Conférence constate avec un profond regret que l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an en 2020 en faveur des pays en développement n’est pas encore atteint et réaffirme le devoir des pays développés, qui sont à l’origine de la majeure partie des gaz à effet de serre, à honorer un tel engagement au plus vite. Elle se félicite toutefois que les délibérations sur un objectif beaucoup plus ambitieux pour le financement de l’action climatique aient été lancées.
17. Perte et préjudices. Cette partie est plutôt pauvre, aussi bien en convictions qu’en engagements. La Conférence a toutefois décidé de créer le Dialogue de Glasgow, dont l’objectif sera d’examiner les modalités de financement des activités visant à éviter les pertes et préjudices liés aux effets néfastes du changement climatique.
18. Mise en œuvre. La Conférence se félicite de l’adoption de toutes les règles, modalités et procédures de l’Accord de Paris (calendrier commun pour les NDCs, transparence renforcée, etc.), en particulier celles liées à l’article 6 relatif aux réductions des émissions par le biais de marchés internationaux du carbone.
19. Collaboration. La Conférence note enfin qu’il est urgent de combler le retard pris dans la réalisation des objectifs de Paris et invite à une rencontre au sommet en 2023 pour faire le point des nouvelles ambitions climatiques. Elle estime également qu’il faut faire en sorte que la société civile, les jeunes et toutes les autres parties prenantes et intéressées, puissent soutenir ces ambitions dans l’optique de l’horizon critique de 2030.
Implications pour l’Algérie
20. La mise en œuvre de l’Accord de Paris que le Pacte de Glasgow rend désormais opérant, a des implications multiples pour un pays producteur de pétrole et de gaz comme l’Algérie. Les implications sont de deux ordres : celles qui se rapportent directement à son engagement pour le climat ; et celles, plus difficiles à anticiper, qui sont engendrées par des défis imposés.
21. Pour ce qui est de l’engagement pour le climat, les observateurs de la COP26, y compris l’auteur de cet article, ont pu constater qu’en raison de contraintes multiples, dont l’insuffisance de ressources financières et de capacités humaines et institutionnelles, beaucoup de pays sont restés en retrait. L’Algérie apparait, dans une certaine mesure, appartenir à cette catégorie. Cependant, le pays a le potentiel de rehausser à moindre coût son implication et, partant, accroître son influence sur la scène climatique à la hauteur de ses ambitions. A cet égard, quelques constats et suggestions découlant de ces observations méritent d’être soulignés.
22. La NDC actuelle de l’Algérie repose sur un projet d’atténuation plutôt vague, imprécis et, au demeurant, non mis à jour depuis l’Accord de Paris. La nouvelle NDC (qui devra être soumise dans un an à la COP27 en Égypte où elle fera l’objet d’une revue indépendante et transparente) gagnerait à être alignée sur l’objectif renforcé commun de 1,5°C et refléter en conséquence des ambitions accrues. Pour peu qu’elle soit basée sur des politiques, stratégies et programmes d’atténuation avérés, elle pourrait être perçue comme un message fort, gage d’un réengagement authentique pour le climat.
23. Par ailleurs, bien que menées dans des cadres institutionnels représentatifs, la concertation et la coordination aussi bien au niveau national qu’au sein du bloc de négociation africain auquel l’Algérie a réitéré son adhésion, semblent imparfaites. Au niveau national, et à titre d’exemple, les efforts de Sonatrach – la compagnie nationale de pétrole et de gaz – pour intégrer le climat et les émissions atmosphériques dans sa politique d’entreprise (telle que récapitulée dans son dernier rapport annuel) ne semblent pas avoir été consignés, encore moins promus à Glasgow. Quant au bloc africain, comment expliquer que le Nigeria, également pays pétrolier et gazier et, de surcroit, membre de l’OPEP, se soit rallié à l’accord pour la réduction des émissions globales de méthane mais pas l’Algérie ?
24. Maintenant que la réduction du méthane, très nocif pour le climat, est contraignante aux termes du Pacte de Glasgow, l’Algérie ne peut plus se soustraire à la tâche de mettre en place un plan d’action idoine, de concert avec l’ensemble des pays émetteurs concernées. Ceci est d’autant plus important que le méthane commence à faire une mauvaise réputation à l’industrie du gaz, risquant ainsi de compromettre la place que celle-ci ambitionne dans la transition énergétique mondiale.
25. Au défi spécifique du méthane, s’ajoutent d’autres défis plus complexes et incertains. Certains découlent essentiellement du fait que, pour la première fois, un pacte climatique cible explicitement les énergies fossiles. D’autres dérivent des engagements pris à Glasgow, en marge des négociations, comme ceux de l’alliance BOGA pour l’obsolescence autoprogrammée de la production d’hydrocarbures ; ou ceux plus décisifs d’une composante importante du secteur financier international pour la réallocation de ses actifs d’investissement au profit des énergies à bas carbone. Tous ces développements introduisent des facteurs de risques inédits et aléatoires dans l'évaluation des projets pétroliers et gaziers et, de ce fait, augurent mal pour l’avenir d’une industrie vitale pour l’Algérie.
26. Dans l’immédiat, le défi le plus tangible est celui que pose l’expansion et l’intégration des marchés internationaux du carbone et, dans leur sillage, l’introduction de tarifs carbone, sous la forme de ce qui est appelé ‘mécanisme d'ajustement carbone aux frontières’. Outre évidemment la création de revenus budgétaires supplémentaires, ces taxes visent surtout à décourager les délocalisations de productions émettrices (assimilables, dans le contexte du climat, à des fuites de carbone) et à inciter les producteurs-exportateurs de pays tiers à réduire leurs propres émissions. Comme l’institution d’un tel mécanisme est bien envisagée au sein du principal marché algérien – celui de l’Union Européenne, il devient urgent que le pays se préoccupe sérieusement de son impact potentiel sur les exportations d’hydrocarbures.
27. Les implications ainsi esquissés ne sont pas exhaustives mais donnent un aperçu des enjeux et défis auxquels l’Algérie est et sera confrontée. Ce sont aussi celles auxquelles plus d’attention devra être accordée et pour lesquelles davantage d’efforts devront être déployés. Le plus tôt sera le mieux.
[1] CCNUCC : Accord de Paris, 2015. https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf
[2] IPCC : Climate Change 2021 : The Physical Science Basis - Summary for Policymakers. https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM_final.pdf
[3] CCNUCC : Pacte de Glasgow pour le Climat, 2021. https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cp2021_L13F.pdf
Distinguished Fellow at Oxford Institute for Energy Studies
2 ansCOP27: All eyes on MENA oil- and gas-producing countries to see how they are rising to the ambition of 1.5 degree Celsius they signed for in Glasgow a year ago.
Oil & Gas Laboratories Manager, DBA
3 ansTres bon article... Merciii pour ces pub Mr Aissaoui